- Réalisateurs : Matt Duffer - Ross Duffer
- Acteurs : Winona Ryder, Finn Wolfhard, David Harbour , Millie Bobby Brown
- Nationalité : Américaine
Pas de doute, Stranger Things continue de piocher avec talent dans le pot-pourri de la pop-culture eighties. À défaut de singularité ou de réelle audace, le bébé de Matt et Ross Duffer vise-t-il toujours aussi juste ?
Sans génie ou originalité mais avec un savoir-faire incontestable, les frères Duffer ont su faire de Stranger Things l’un des fleurons de Netflix. Savant mélange de films de potes (Les Goonies, E.T., Explorers…) et d’horreur (The Thing, Alien, La Mouche, Halloween, Evil Dead…), la série ne lésine pas sur les influences les plus incontournables des années 80. Ce pot-pourri de pop-culture par excellence, admirablement équilibré malgré une dimension marketing tonitruante – on sent bien l’épaisseur du cahiers des charges –, vise juste et bénéficie en plus d’un casting redoutable. Une bande de nerds plus attachants les uns que les autres, des BMX, des standards musicaux eighties cultes, des expériences inquiétantes, un complot sous-jacent, des créatures venues d’un autre monde, un gros zeste de Stephen King, une banlieue américaine middle class… les ingrédients de Stranger Things n’ont pratiquement pas varié d’un iota depuis ses prémices. Et pourtant, cette mécanique opportuniste, inchangée et reconduite saison après saison, ne faiblit toujours pas ou très peu dans Stranger Things, saison 4. Rien ne bouge donc fondamentalement mais l’écriture solide préserve la série de toute lassitude. Mieux : son format long (les épisodes dépassent souvent l’heure) dope la tension.
Quoi d’un peu nouveau, néanmoins ? Comme Stranger Things dispose d’un casting presque invariable, sa force repose à chaque nouvelle saison sur les mutations de ses teenagers. Eleven, Mike, Dustin, Lucas, Will, Max, Nancy… quelques années suffisent à transformer leur physionomie de façon troublante. Une aubaine pour l’écriture qui gagne instantanément en densité, ne serait-ce qu’à travers l’évolution des traits de leurs visages. Grand, sinon athlétique, l’acteur Caleb McLaughlin, qui incarne Lucas, ressemble déjà à un adulescent, et non plus au préado des saisons passées. Pas étonnant que le scénario rebondisse sur cette métamorphose en l’écartant un tantinet du groupe initial – Lucas papillonne cette fois aux côtés du groupe des sportifs. Cela rappelle l’une des transformations inattendues d’ado les plus mémorables du cinéma : celle d’Anthony Michael Hall, personnage clé et loser magnifique de Breakfast Club, Seize bougies pour Sam ou encore Une créature de rêve, devenu en quelques années une sorte de croquemitaine dans Edward aux mains d’argent. Dans un battement d’ailes analogue, la série gagne donc fatalement en maturité, thématiquement mais aussi par ailleurs semble-t-il dans son traitement de la violence graphique.
Tribulations d’ados, entre John Hughes et Craven
Il est question de lycée dans Stranger Things, saison 4 et les frères Duffer en profitent plus que jamais pour puiser leur inspiration du côté de John Hughes (le papa du génial Breakfast Club, pape du genre). Car les mutations des protagonistes s’avèrent aussi mentales que physiques. En cela, la série s’impose résolument comme un teen movie, avec des adolescents en proie aux troubles de l’identité, tous à leur façon en quête d’une stabilité bien qu’enfermés dans un corps plein de chaos. Si l’écriture ne prétend rien réinventer à ce titre et encore moins s’élever tout à fait au rang d’un Hughes, il faut saluer une certaine finesse malgré tout. Les failles des protagonistes n’apparaissent pas seulement comme une ficelle de scénario, ces dernières structurent au contraire la série. Ce sont elles qui distillent le fantastique, qui font advenir l’horreur. Car les apparitions surnaturelles tiennent surtout d’une allégorie : celle de leurs hantises. À l’instar de ses ainés, Stranger Things, saison 4 relève ainsi aussi bien du thriller psychologique mâtiné de teen-movie que du genre fantastique.
Au gré de la première partie de Stranger Things, saison 4, deux grandes inspirations notables prennent le pas sur les autres influences, innombrables : Carrie au bal du diable et Les Griffes de la Nuit. Certes avec moins de subversion et de liberté que dans le film indépassable de Brian De Palma – Stranger Things semble en effet beaucoup trop propret pour investir par exemple la question des règles ou de la puberté à proprement parler -, la série met elle aussi sur le même plan la détresse des jeunes adolescentes et une sorte de superpouvoir libérateur. Déjà présent en filigrane dans les précédentes saisons, le premier volet de Freddy (Les Griffes de la Nuit, l’un des plus grands Wes Craven) fait également figure de fil conducteur. Tel Freddy, le croquemitaine/la créature Vecna profite des rêves ou cauchemars éveillés de ses proies pour les piéger dans un monde parallèle et les massacrer. Il serait facile de reprocher à cette quatrième saison de Stranger Things son absence de prise de risque, sa propension renouvelée à puiser parmi les grandes idées des autres. Pour autant, cette grosse machine aux rouages bien huilés, aussi conservatrice et moraliste soit-elle dans le fond, réserve un spectacle très séduisant, voire franchement plaisant. Sa photographie, sa musique, son rythme et son talent de copiste y sont pour beaucoup. C’est bien sûr parce que les années 80 fourmillent de références géniales parmi lesquelles butiner, mais aussi parce que ces petits geeks de Duffer bros. sont très malins. Reste maintenant à savoir si Stranger Things, saison 4, passé sa première partie soignée, tiendra la distance jusqu’au final.
Stranger Things, 4 est disponible sur Netflix.