- Acteurs : Lee Jung-jae, Park Hae-soo, Jung Ho-yeon, Heo Sung-Tae
Avec son jeu où la mort devient spectacle, la série sud-coréenne blockbuster de Netflix fait mouche. Même sans rien réinventer, elle dénonce (un peu) tout en divertissant (beaucoup). Voici 3 raisons de succomber à son humour noir.
456 personnes, toutes en proie à de graves difficultés financières, acceptent plus ou moins malgré elles de participer à une compétition mystérieuse. Parmi elles : Seong Gi-hun, un loser presque quinqua, père en déroute jadis ouvrier et fils désastreux habitant toujours chez sa mère. Le principe du tournoi où il se retrouve est de prendre part à des jeux de cour de récré comme « Un, deux, trois, soleil » et de tenter d’en sortir vivant. À la clé : la mort pour les perdants ou la fortune pour le gagnant.
Imaginez un croisement entre "Battle Royale" (Kinji Fukasaku, 2001), "Hunger Games" (Gary Ross, 2012), les films de genre de Bong Joon-Ho (du type "The Host", "Transperceneige"…), ou encore la mort comme spectacle façon "Hostel" (Eli Roth, 2005), puis ajoutez-y une déferlante de violence graphique bien sanguinolente de type manga, vous obtenez "Squid Game", série-phénomène qui détient désormais le record du meilleur démarrage de l’histoire de Netflix. Et pour une fois, la qualité du programme se trouve plutôt à la hauteur de sa popularité – ce qui n’était par exemple pas vraiment le cas de "La Casa de Papel", bien trop stéréotypée et standardisée. Sous couvert d’un petit jeu de massacre opposant des protagonistes endettés et issus d’horizons sociaux disparates, se cache une critique sociale caustique de la Corée du Sud – regard dystopique qui peut bien sûr s’appliquer à de nombreux pays où les inégalités sociales demeurent.
Ne pas se fier ici à la naïveté apparente des jeux auxquels s’adonnent les concurrents, ne pas s’en remettre non plus aux couleurs enfantines des décors : l’innocence à la « Télétubbies » ou « Takeshi’s Castle » - le célèbre jeu télévisé japonais reposant sur une course d’obstacles insolite – n’est bien entendu qu’un leurre. Par-dessous, se dissimulent la souffrance et le désespoir. Sur les 456 candidats aux épreuves, un seul peut en sortir vivant et emporter la mise. On pourrait pointer l’immoralité et la gratuité du concept de cette tuerie de masse, mais cela serait passer à côté de sa métaphore : la dénonciation à la fois d’une société à la « Seul contre tous » et la caricature jusqu’au-boutiste des programmes de téléréalité – Eli Roth, sous un angle sans doute plus politiquement incorrect encore, n’avait pas fait autre chose en 2005 avec "Hostel". La saga "Saw", dans une certaine mesure, avait tracé un sillon analogue.
Le résultat de ce dispositif d’épouvante, qui reprend avec brio les codes du film de survie, est d’une efficacité redoutable. Les interprètes, souvent brillants, et le rythme syncopé, rendent très vite la série addictive. Sans doute "Squid Game" tient-il sa réussite à ses protagonistes résolument paradoxaux – souvent doublement attachants et répugnants, entre rire et désolation. Une marque de fabrique typique du cinéma sud-coréen. Seul regret : une mise en scène qui, de par son système orwellien trop classique, manque de relief. Mais même sans jamais atteindre la perfection, voire même en frôlant la baisse de régime dans les derniers épisodes trop prévisibles, la série mérite le détour, toujours à mi-chemin entre l’horreur sociale et le polar.