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L’interrogatoire de Stéphanie Artarit pour l’Argent, tout le temps

Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman ? Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le monde des cryptomonnaies ?
Stéphanie Artarit : Ce n’est pas tellement les cryptomonnaies à proprement parler qui m’intéressaient mais la possibilité de repenser l’économie et plus particulièrement de revisiter le système du troc qui existait déjà dans les sociétés primitives. Le don et le contre-don décrits par l’anthropologue Marcel Maus ou l’économiste Karl Polanyi. Il a existé d’autres modèles économiques fondés sur l’échange et le lien social. L’Argent tout le temps a été écrit pendant le confinement. Il n’y avait plus vraiment de lien social et l’économie était en berne. Donc l’idée du Care a germé.
Mon mari travaille dans la finance et pour lui c’était une évidence que ces échanges devaient passer par une crypto monnaie pour exister à la sauce XXIème siècle.

Bepolar : Vous imaginez qu’une nouvelle cryptomonnaie destabilise l’économie mondiale. Ce serait réellement possible selon vous ?
Stéphanie Artarit : Le Care était un vrai projet économique au départ. On avait réfléchi avec un célèbre économiste Indien qui travaillait à Harvard, à la manière dont il faudrait le mettre en place.
Et puis il y a eu le Covid et j’ai eu le temps d’écrire et choisi plutôt cette manière de faire exister le Care. Mais c’est parce qu’il avait été pensé en amont par des gens de la finance et des économistes qu’il est solidement élaboré dans le livre.
Donc en tant que concept je ne sais pas s’il aurait pu avoir un impact sur l’économie mondiale mais en tous cas, la pandémie aurait été la fenêtre idéale pour qu’il advienne. Il faut se remettre dans le contexte du Covid et se rappeler qu’on voulait tous changer le monde à ce moment-là. On se disait que plus rien ne serait jamais comme avant.

Bepolar : Votre héroïne Manon Deraison a l’idée du Care, une cryptomonnaie "éthique". Qui est Manon ? Comment est-ce que vous la présenteriez ?
Stéphanie Artarit : Elle vient d’un milieu social où on n’est pas « empêché ». Elle a l’habitude d’avoir ce qu’elle veut. Elle est volontaire, audacieuse, idéaliste.
Elle a une vision du monde qui n’est pas la même que celle de ses parents. Imposer ses idéaux, c’est une façon pour elle de s’émanciper mais en même temps elle cherche à gagner la reconnaissance de son père. Elle pense que quelque chose doit changer dans le monde, elle veut rétablir une sorte d’équité et d’équilibre mais elle va y laisser des plumes.

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Bepolar : On est dans le monde des cryptomonnaies, mais aussi du cyber crimes. Comment avez-vous travaillé ? Quelle a été la part de documentation ?
Stéphanie Artarit : Il ne s’agit pas vraiment de cyber crimes. Il n’y a pas de logiciel malveillant ni de hacking. Les créateurs du Care utilisent le support du dark web mais pas pour commettre un crime. Au contraire. Quant aux activités liées aux jeux et aux paris perpétrées par Ivo Butorac, l’autre personnage central du roman, il utilise des algorithmes mathématiques en toute légalité. Seul sont projet concernant les pensions de réversion est illégal mais il s’agit davantage ici d’une arnaque administrative, très loin du monde du cyber crime.

Bepolar : Si Manon représente une forme d’idéal, Ivo est l’inverse, ce joueur invétéré qui doit récupérer la clef de la cryptomonnaie pour le compte de l’Etat. Même question que pour Manon. Qui est-il ? Comment l’avez-vous construit ?
Stéphanie Artarit : Ce personnage est inspiré d’un personnage réel qui s’appelle Zeljko Ranogajec, un homme d’affaire, et le plus grand joueur professionnel du monde.
Je trouve qu’Ivo est très romanesque. C’est un self-made man, un personnage comme on en voit souvent dans les films où les gangsters attaquent les méchants et qui ont la sympathie du spectateur. Ivo est hyper intelligent. Lui aussi est une sorte de figure du contre-pouvoir. Il n’est au service que de ce qui le sert lui, mais pourquoi pas ? Il a une forme d’honnêteté. Il est libre. Il change de de camp si ça lui chante. Lui aussi veut renverser une sorte d’ordre établi, mais contrairement à Manon, il le fait pour son profit.

Je pense que les livres sont comme des enfants, on essaie de les élever le mieux possible pour qu’ils soient beaux et forts, ensuite ils font leur vie

Bepolar : Vous êtes une ancienne journaliste. Est-ce que ça a été facile de se mettre dans la peau d’une autrice et d’adopter une autre forme de narration ?
Stéphanie Artarit : Je ne suis plus journaliste depuis longtemps, même si quand on me le demande, j’écris volontiers. Et ça peut être pour une revue d’architecture ou les textes d’un livre de photos (Athens Riviera- Assouline). J’ai même été ghost writer pour des avocats en mal de temps ou d’inspiration pour un concours d’éloquence. Et j’ai toujours écrit des romans. En revanche, ils n’ont jamais été publiés, soit parce que je les ai laissé dormir au fond d’un tiroir, soit parce qu’ils partaient dans la corbeille des éditeurs.

Bepolar : Qu’est-ce que vous aimeriez que les lecteurs et les lectrices retiennent de votre roman ?
Stéphanie Artarit : Je ne sais pas. Je pense que les livres sont comme des enfants, on essaie de les élever le mieux possible pour qu’ils soient beaux et forts, ensuite ils font leur vie ! Les écrivains mettent les livres au monde et les lecteurs les font vivre.

Bepolar : Enfin, dernière question, qu’est-ce qui fait un bon polar pour vous ?
Stéphanie Artarit : Je dirais que comme pour n’importe quel livre, que ce soit de la littérature blanche ou noire, la qualité de l’écriture est primordiale. Ensuite que les ficelles ne soient pas des cordes ! Le flic abîmé par la vie, ça fait longtemps qu’on le voit carburer au café et fumer clopes sur clopes depuis que sa femme l’a quitté parce qu’il travaillait trop, ou depuis que son enfant est mort et qu’il a arrêté de boire !
Un bon polar c’est comme un bon western ou une bonne tragédie grecque. Pas de temps mort. Juste des morts !

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