- Auteur : Jess Kaan
- Editeur : Editions Lajouanie
Jess Kaan est de retour avec ses héros Fazuras et Demeyer pour une enquête terrifiante.
Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman, qu’avais-tu envie de faire ?
Jess Kaan : Lorsque tu lis un roman policier traitant de tueurs en série, tu retiens le nom du tueur, son modus operandi. Mais les victimes tu les as reléguées aux oubliettes. Le tueur en série fascine, preuve que notre époque a un léger souci avec la célébrité. Je voulais traiter d’un thème différent, remettre les victimes en avant, parce que ce sont elles qui méritent de l’être. Déjà dans Punk Friction, je dédiais mon livre à Kenji Goto, un Japonais assassiné par l’Etat Islamique. Et tu sais très bien que j’essaie d’écrire sur des sujets différents. Alors je me suis dit, il faut écrire sur un crime abject qui existe dans nos sociétés, un crime pas assez puni, un crime qui n’est pas la fin, mais le début d’une vie bouleversée, brisée, à reconstruire, mais qui n’est pas assez abordé par les auteurs : les violeurs. C’était une volonté en tant qu’auteur de prendre le risque d’aborder cette question. Je voulais aussi insister sur l’effet de groupe qui fait que des consciences vont se dissoudre lors du passage à l’acte, je te passe Freud, les mouvements totalitaires etc, dans le groupe il n’y a plus des individus, mais une masse idiote. C’est ce qui transparaît dans En Chasse. Pourquoi ces types pris séparément sont-ils si différents ? Qu’est-ce qui les motive ? Je ne suis pas un canon de beauté, j’en suis conscient, je me suis pris des râteaux mais pourtant, je n’ai jamais éprouvé une haine des femmes, tandis qu’eux ont tout pour plaire, mais ils dénient à leurs victimes une humanité. Ils me rappellent quelque part ces soudards qui violent dans les guerres. Juste parce que l’occasion se présente, c’est ignoble mais on ne peut pas l’occulter.
Bepolar : Est-ce que tu pourrais nous présenter tes personnages, Boris et
Garance, mais aussi Demeyer ? Comment tu les vois, quels liens as-tu avec eux ?
Jess Kaan : Boris Lisziak est un flic au début de sa carrière. Sorti major de sa promo, on l’a claqué dans les pattes de Demeyer un vieux de la vieille qui voit en ce jeunot ce qu’il était autrefois. Sauf que Demeyer a perdu ses illusions en cours de route. Qu’il a transigé avec certains principes avant de se faire rattraper par la vie… Garance, elle, c’est une lueur d’espoir, c’est une femme de son temps plutôt jolie, mais surtout décidée à faire ses preuves en tant que femme flic, c’est la fille que l’on aimerait croiser, un peu d’espoir. Dans « En Chasse », l’empathie qu’elle éprouve pour ses victimes la conduit à prendre des décisions lourdes de conséquence. Dans chacun de ces personnages, il y a un peu de moi ou de ce que j’aurais aimé être.
Bepolar : On les a déjà croisés dans Punk Friction, ça veut dire qu’on les reverra ?
Jess Kaan : Effectivement, ces personnages se sont rencontrés dans Punk Friction où ils ont dû passer outre leurs différences, ils ont évolué et ils continueront d’évoluer avec leurs zones d’ombre, leurs douleurs, leurs victoires. Leur intimité, leur statut de flic, mais aussi d’humains avec les aléas d’une existence. Donc oui, on les reverra, c’est sûr, ils ont encore beaucoup à nous livrer et pas forcément des choses belles, surtout pour l’un d’eux.
Bepolar : Tu places ton action dans le Nord de la France, région que tu connais
bien alors que d’autres placent leurs récits dans d’autres pays. Pourquoi ce choix ?
Jess Kaan : La question typique. On ne dit pas à un auteur de polar nordique, vous écrivez ce qui se passe dans votre pays, on a même tendance à s’extasier parce que ce sont des paysages différents, d’autres mentalités. Mais en France, on a l’impression de devoir se justifier par rapport à ce choix. Alors ce choix, je l’assume. Il s’explique pour deux raisons, d’une on parle bien de ce que l’on connaît, on a une intimité avec les lieux, le terroir, la culture. Je suis né à Dunkerque, j’ai vécu entre l’Avesnois, Arras, l’Artois. De deux, j’aime les gens d’ici, ils ont une histoire, un vécu comme les Islandais, comme les Américains, comme un Africain. Mais on n’a pas forcément idée de ce qu’ils vivent, alors j’apporte mon focus. Tu parles du Nord, mais le nord ce n’est pas un monolithe culturel, il y a une différence entre le Dunkerquois, l’Avesnois, le Pas de Calais et encore dans le Pas de Calais, tu as des sous-ensembles. Donc mes personnages hétéroclites peuvent parler à tout un chacun. Et puis je l’avoue, j’avais envie de trancher avec l’idée selon laquelle il faut forcément que l’intrigue se passe aux USA, j’en ai un peu marre des shérifs et autres. Que mon violeur s’appelle Hugo ou John, quelle importance ? Il reste un salaud…
J’attends les premiers retours avec une certaine fébrilité.
Bepolar : Comment tu construis tes polars ? Comment travailles-tu ?
Jess Kaan : Se documenter, rechercher, esquisser l’intrigue, rencontrer des personnes compétentes : voilà les premières étapes. Ecrire des chapitres épars parfois, parce qu’on n’a pas envie d’attendre, parce que l’on a envie de retrouver ses personnages, ses amis, voilà la suite, puis après c’est totalement addictif… Tu vas courir, tu penses à ton intrigue, tu dors, tu te réveilles parce qu’un point te chagrine. Tu prends ton petit-dej, tu notes une phrase. C’est de l’intimité, une relation.
Bepolar : Le livre vient tout juste de sortir, comment tu appréhendes ces premières semaines après sa parution ?
Jess Kaan : J’attends les premiers retours avec une certaine fébrilité. Je ne regrette rien de ce que j’ai écrit, j’y ai mis mes tripes, ma sincérité, on a bossé avec mon éditeur : cela on ne nous l’enlèvera pas. Maintenant, ce livre sort un peu avant Noël, au milieu de blockbusters que je ne nommerai pas, car les réseaux sociaux s’en chargent très bien. Et je voudrais vraiment qu’il ne se perde pas au milieu de la masse. Les rencontres en dédicace ont été l’occasion de rencontrer différents types de lectrices, celles que le thème révulse, celles qui attendent de voir comment un homme a pu développer cette thématique. Il y a toujours des échanges fructueux néanmoins.
Je bosse déjà à la suite d’En Chasse et j’appuierai là où ça fait mal.
Bepolar : As-tu déjà des dates de dédicaces pour 2020 ?
Jess Kaan : Oui Salon de Nemours en Janvier, Dainville en Janvier aussi, Forges les Eaux en février, peut-être Lens en mars, la Saussaye en mars, le reste apparaitra au fur et à mesure sur le site.
Bepolar : Sur quoi travailles-tu ? Quels sont tes projets ?
Jess Kaan : Un roman m’a été commandé que j’ai rendu. Je bosse déjà à la suite d’En Chasse et j’appuierai là où ça fait mal. Dans ma tête la quatrième aventure de mon trio s’est très bien dessinée, elle a trouvé son terroir. Tu vois on y revient, mais les lieux nous fabriquent… J’ai envie de continuer avec ce trio, même si je ne suis pas sûr de ce qu’il adviendra d’eux.