Christophe Penalan nous a offert ces dernières semaines un polar passionnant et prenant avec
"Eden, l’Affaire Rockwell" autour d’enlèvements d’enfants dans les années 2000 en Californie. Un polar qui nous a donné envie d’en savoir plus. Interview.
Bepolar : Quelle est l’idée de départ d’Eden, l’Affaire Rockwell ?
Christophe Penalan : L’idée de départ du livre était celle de la fin, sans trop vouloir en dire... J’avais lu plusieurs livres où il était question de disparition d’enfant, comme La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert de Joël Dicker notamment. Ceux-ci m’ont inspiré et j’ai cherché à y ajouter une touche d’originalité dans le dénouement.
Bepolar : Vous nous emmenez dans une histoire d’enlèvements d’enfants au début des années 2000 en Californie. Pourquoi être revenu dans cette période là et pas de nos jours par exemple ?
Christophe Penalan : Je suis un enfant de la génération 1990. Le début des années 2000 correspond à mon entrée dans l’adolescence, et c’est la même chose pour le personnage d’Eden, la jeune fille dont on enquête sur la disparition. Je crois qu’il était plus facile pour moi de m’identifier au personnage dans ce contexte. C’est aussi la période où les nouvelles technologies d’information et de communication prennent leur essor, comme les premiers réseaux sociaux par exemple. Placer l’histoire dans cette période sert ainsi, de façon très pragmatique, au bon déroulement de l’histoire. Mais ça aussi, on ne peut le comprendre complètement qu’en découvrant la fin du livre...
Bepolar : C’est un "roman noir américain". Pourquoi le choix des Etats-Unis ? Est-ce que vous avez un goût personnel pour ce type d’histoire ?
Christophe Penalan : Il est vrai qu’on me parle souvent de romans noirs américains. On me dit en tout cas qu’on y retrouve les codes. C’est très flatteur mais, en vérité, je ne me suis pas inspiré directement des grands romans de James Ellroy ou Dashiell Hammett. Je suis un fan absolu dans grands thrillers américains de David Fincher, Martin Scorcese ou d’autres, comme Seven ou Usual Suspect par exemple. J’ai donc pensé ce livre comme un film. Or, ces films sont eux-mêmes inspirés de grands romans noirs américains. Il était fondamental pour moi de pouvoir me projeter dans cette histoire comme si j’étais au cinéma ou devant ma télé le dimanche soir. C’est la raison pour laquelle j’ai opté pour une écriture assez cinématographique. Après avoir eu l’idée de départ, j’ai d’ailleurs commencé par écrire le pitch de l’histoire comme si elle sortait au cinéma.
Pour ce qui est des Etats-Unis, je n’y étais jamais allé avant d’écrire le roman. Ce n’est qu’une fois qu’il a été retenu par ma maison d’édition que je suis passé en Californie, à Bakersfield (la ville se situait simplement sur la route de mes vacances), là où se déroule les événements. Il a été rassurant de constater que mon travail de recherche avait porté ses fruits et que le cadre était plutôt ressemblant... Pourquoi pas les Etats-Unis finalement ? Je pense qu’il ne faut rien s’interdire. Être un écrivain breton ne veut pas dire qu’on est contraint d’imaginer des enquêtes policières qui ont lieu en Bretagne. La meilleure manière de faire voyager le lecteur, c’est de s’évader soi-même. Avec de la rigueur et de la curiosité, on peut décrire des lieux sans y avoir mis un pied. L’imaginaire fait le reste.
Bepolar : L’inspecteur Dwight Myers va devoir enquêter sur des disparitions d’enfants. Qui est-il ? Comment pourriez-vous nous le présenter ?
Christophe Penalan : Dwight Myers est un jeune inspecteur promu à Bakersfield après avoir fait ses armes au sein du prestigieux LAPD, la police de Los Angeles. Après une rupture difficile avec Olivia, qui a obtenu la garde de leur petite fille Nancy, il a décidé de quitter Los Angeles et ses tumultes pour Bakersfield, une ville située dans les terres, au centre de la Californie, et réputée comme très tranquille. Sauf qu’il va vite déchanter : deux semaines après son arrivée, il va hériter d’une enquête hors normes, qui marquera à jamais sa carrière.
Dwight Myers est un bon flic, pas un super-flic. Il fallait que le lecteur puisse s’identifier à lui, le suivre dans ses doutes, ses interrogations, ses fêlures, ses souffrances.... L’enquête étant construite comme un rubik’s cube, on tente de démêler ce casse-tête avec lui et ses partenaires : l’adjoint Buddy Holcomb, l’agent Brett Rozier et la journaliste Megan Bailey.
Bepolar : Comment avez-vous travaillé et construit ce roman ?
Christophe Penalan : Puisque l’idée de départ était celle de la fin, j’ai construit ce roman en partant de son épilogue. Je n’ai pas été jusqu’à écrire en sens inverse, mais il m’a fallu construire une trame, un plan, pour ne pas me perdre. Cela demande une grande rigueur pour pouvoir rester cohérent, au niveau des dates par exemple. Chacun à sa manière de faire. Certains écrivains écrivent sans avoir de plan, ce qui a l’avantage de se laisser surprendre par sa propre histoire. Je laisse une certaine liberté à mes personnages, pour qu’ils puissent improviser dans certaines situations, mais ils doivent rester sur les rails du récit pour parvenir au dénouement souhaité.
Bepolar : Il est paru il y a quelques semaines. Comment avez-vous vécu cette arrivée en librairie ?
Christophe Penalan : Pour un primo-romancier, la fierté est immense de voir son livre dans les rayons des libraires. On n’ose jamais trop y croire lorsqu’on envoie son manuscrit à des maisons d’édition. Et pourtant... J’encourage donc tous ceux qui hésitent encore à se lancer, car une bonne surprise peut toujours arriver. Quoi qu’il arrive, on ne peut pas avoir de regrets. Réussir à poser le point final d’un livre est déjà une fin en soi, car cela est tellement gratifiant. Le reste n’est que du bonus, c’est en tout cas comme cela que je le vis depuis que les éditions Viviane Hamy m’ont contacté pour m’annoncer qu’ils retenaient mon roman. Je les remercie encore une fois pour leur confiance.
Bepolar : Vous êtes journaliste. Est-ce que vos deux métiers, journaliste et écrivain dialoguent entre eux ? Est-ce que le journalisme vous a influencé ?
Christophe Penalan : Je souhaite que mes deux vies - celle d’auteur et celle de journaliste - se démarquent le plus possible l’une de l’autre. Bien sûr, je n’aurais peut-être pas réussi à écrire un livre sans mes acquis journalistiques, ne serait-ce qu’en termes d’écriture ou de connaissances des faits divers notamment. Mais sinon, le dialogue s’arrête là. Ce sont deux exercices totalement différents. Je travaille régulièrement sur l’actualité sportive en tant que journaliste, donc cela ne ressemble pas du tout aux sujets de mes écrits en tant qu’écrivain. Cela peut sembler un peu schizophrénique, mais il est très stimulant de pouvoir mener ces deux projets de front et m’épanouir dans ces deux vies. Celle d’écrivain m’offre plus de libertés là où celle de journaliste est davantage tributaire de l’actualité.
Bepolar : Quels sont désormais vos projets ?
Christophe Penalan : Je n’ai jamais pensé sortir un livre, alors un deuxième... Malgré tout, on se prend très vite au jeu et j’avais commencé l’écriture d’un deuxième manuscrit au moment où j’envoyais celui d’Eden à des maisons d’éditions. Je travaille toujours sur ce deuxième roman mais il est bien avancé. Ce sera également un polar, dans la même veine que le premier. Il se passera encore aux Etats-Unis mais dans un autre lieu. Il sera question de serial killer...
Je ne m’interdis pas d’écrire autre chose que du polar un jour, j’ai quelques idées et cela me plairait beaucoup.
Bepolar : Qu’est-ce qui fait un bon polar ?
Christophe Penalan : Le polar est un genre qui rencontre beaucoup de succès. L’avantage, c’est qu’il offre des codes qui permettent de structurer assez facilement un récit. Avec un peu de rigueur, cela peut être à la portée de tous de s’y essayer. Le tout est de pouvoir se démarquer à travers un catalogue déjà très large. Je pense que le plus important est d’humaniser son roman. Même avec une bonne intrigue, un polar peut vite sembler froid et plat si ses personnages vous laissent indifférents. Les meilleurs polars sont ceux qui arrivent à dépeindre une atmosphère, dans lesquels vivent des personnages qui nous débectent ou qu’on trouve au contraire très attachants. Il faut qu’on puisse s’identifier à eux, qu’on puisse se les imaginer très facilement, comme si on les connaissait une fois le livre refermé. Une touche d’originalité est bien sûr la bienvenue. Lorsqu’on ouvre un polar, on ne demande qu’à être surpris. Un bon rebondissement final donnera une saveur particulière au roman, puisque c’est celle que l’on gardera à la fin.