- Auteur : Niko Tackian
- Editeur : Calmann-Lévy
- EAN : 9782702162804
A l’occasion de la sortie de son dernier roman, découvrez les secrets de Fantazmë de Niko Tackian aux éditions Calmann-Lévy.
Après Toxique, Fantazmë signe le retour du commandant Tomar Khan, dit le Pitbull, sur le terrain.
Bepolar : Commençons par le début, qu’est-ce qu’un Fantazmë ? Et qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce spectre ?
Niko Tackian : Fantazmë c’est un mot albanais qui signifie « spectre ». C’est aussi la thématique principale de mon roman dans lequel je m’attache à parler des choses et des gens que nous « occultons » volontairement de notre esprit et de notre vue…
« Comme toujours, ça commence par une envie, celle de confronter mon héros à ses interrogations profondes. »
Bepolar : Quel a été pour vous le point de départ de cette nouvelle enquête ?
Niko Tackian : Comme toujours, ça commence par une envie, celle de confronter mon héros à ses interrogations profondes. Ensuite je me demande ce qui me touche le plus dans la période durant laquelle j’écris le roman et c’est en l’occurrence, la misère humaine de ces réfugiés qui viennent sous nos ponts avec l’espoir de pouvoir vivre et qui ne sont pour nous que des indésirables. Misère me touchant d’autant plus que, de par mes origines arméniennes et l’histoire de mes grands-parents, je suis comme eux, un réfugié.
Bepolar : On retrouve les personnages de Toxique. Qu’est-ce qui vous a donné envie de les incarner à nouveau ?
Niko Tackian : C’est une envie qui faisait partie du deal de départ. Tomar Khan, son équipe, ses proches, sont des personnages que je souhaitais développer en série sur plusieurs romans. Je vais donc continuer à les développer dans le temps comme une collection. Et ils ont encore beaucoup de choses à m’apprendre et à transmettre.
« Quand Franck Thilliez me dit « maintenant il va falloir compter avec Tomar Khan », je ne peux pas être plus heureux. »
Bepolar : C’est un plaisir pour l’écrivain que vous êtes de les retrouver ?
Niko Tackian : C’est bien entendu un très grand plaisir surtout de les voir s’étoffer, prendre de la densité et donc devenir réels dans l’esprit du lecteur. Quand Franck Thilliez me dit « maintenant il va falloir compter avec Tomar Khan », je ne peux pas être plus heureux. Ces personnages ne sont plus des ombres, des spectres condamnés à errer dans les pages de leur livre, ils sont libres.
Bepolar : Comment pour vous, en étant son créateur, évolue Tomar Khan ? On le découvre encore un peu plus dans ces pages...
Niko Tackian : Il évolue comme nous tous finalement. C’est-à-dire qu’il est confronté à une pléiade de problèmes externes, son travail, ses amours, ses doutes mais également et surtout internes… Et comme nous, il essai de s’en sortir et de trouver « une forme » de bonheur. Mais son métier de flic et son passé douloureux en font un homme constamment sur la frontière entre la loi et ce qu’il pense être nécessaire pour accomplir SA justice… Et c’est dans cette zone grise, ce no mans land moral qu’il cherche sa voie…
« Donc oui, ce livre fait passer des messages et je pense que c’est important dans un polar, genre qui, par essence, est ancré dans la réalité. »
Bepolar : Vous mettez quelques tacles au passage à des institutions qui ne respectent pas vraiment les droits de l’homme. Vous parlez notamment de la situation des migrants... Vous aviez envie de donner une dimension supplémentaire à votre roman en lui faisant porter certains messages ?
Niko Tackian : Les migrants, dont je fais partie à cent ans près, sont le symbole d’un monde qui occulte les problèmes qu’il ne veut pas voir. Les trois singes, ne pas voir, ne pas entendre, ne pas dire… et pourtant ils sont là car la réalité existe bien dans toute sa misère. Mais comme nous n’y pouvons rien et que nous n’avons pas les clés du camion (celles-là on les a bradés dans les urnes), pour éviter de prendre toute la misère du monde sur nos épaules, on préfère l’occulter. C’est comme cela qu’on se retrouve quotidiennement à croiser ces hommes et ces femmes qui rasent les murs comme des ombres… Alors on fait avec, on vit avec des fantômes. Je ne jette la pierre à personne, je déteste les discours culpabilisants, ce n’est pas à nous de régler la misère du monde, mais il y a des gens dont c’est le job ! Eux ils font quoi ? Des centres d’accueil minuscules, des pansements sur des jambes de bois pour gagner du temps et ne pas perdre d’électeurs. Donc oui, ce livre fait passer des messages et je pense que c’est important dans un polar, genre qui, par essence, est ancré dans la réalité.
Bepolar : On croise dans votre roman un chef albanais mais aussi l’IGPN. Comment vous êtes-vous documenté ?
Niko Tackian : Très simplement. Aujourd’hui avec internet, le téléphone et un peu de bagou, on peut obtenir beaucoup d’informations, des contacts, des rendez-vous… Après c’est vrai que j’écris de la fiction policière depuis 15 ans pour la télévision, donc j’ai mon background qui m’aide et surtout une méthodologie solide.
« C’est une sorte de musique le suspens, si on n’y prend pas garde, on peut perdre le tempo et tout tombe à l’eau. »
Bepolar : C’est un roman percutant, avec du rythme. Comment est-ce que construisez la narration de vos histoires ?
Niko Tackian : A l’instinct. Mon écriture est vraiment basée sur le rythme. Rythme des phrases, rythme de la structure et même rythme des mots. Je relis mes chapitres et je vois tout de suite si c’est mou, si c’est trop long, si ça se perd dans des méandres qui affaiblissent la tension. C’est une sorte de musique le suspens, si on n’y prend pas garde, on peut perdre le tempo et tout tombe à l’eau. Avant de me lancer dans la rédaction, je me documente et j’écris ensuite une sorte de séquencier, un document de structure me permettant de voir si j’ai suffisamment de rebondissements, de surprises, de révélations pour entretenir le suspense. Dès que ce document est terminé j’attaque au rythme d’un chapitre par jour.
Bepolar : Il y a un an sortait Toxique. Il vient d’être repris en poche. Quel regard portez-vous sur ce roman quelques mois plus tard ?
Niko Tackian : Je suis très très heureux de cette sortie poche simultanée à Fantazmë. Non seulement parce qu’il se vend très bien mais surtout parce que beaucoup de gens découvrent Tomar Khan avec Toxique et se tournent immédiatement vers Fantazmë. Cela prouve que le personnage plait au public et c’est forcément très important pour moi !
« J’ai besoin, entre deux polars sombres et parisiens, d’écrire des histoires « de fous », des récits où je suis libre de l’arène, des intrigues et des personnages. »
Bepolar : Allez, avouez tout ! Sur quoi travaillez-vous ?
Niko Tackian : Sur mon roman 2019… ce sera un thriller en one shot se déroulant dans une ville en bordure de montagne. On y arpentera les vastes salles d’un grand palace abandonné… Une ambiance très shinning. J’ai besoin, entre deux polars sombres et parisiens, d’écrire des histoires « de fous », des récits où je suis libre de l’arène, des intrigues et des personnages. Cela me permet de m’aérer et surtout de faire vivre une histoire qui ne rentre pas dans le cadre du polar… Préparez-vous à une belle surprise avec le prochain.
Ensuite en 2020, Tomar fera son retour pour une nouvelle enquête que je commence déjà à documenter, mais c’est une autre histoire !