- Auteur : Romuald Dumas
- Editeur : NA Editions
Son roman Le Dernier jour de pluie est sorti il y a une semaine, à cette occasion Romuald Dumas revient avec nous sur son écriture.
Première question, pour qu’on puisse vous découvrir un peu, quel est votre parcours ? Qu’est-ce qui vous amené à l’écriture ?
Romuald Dumas : Mon parcours, c’est celui d’un jeune homme qui rêve d’être journaliste en presse écrite et que le hasard de la vie pose derrière un micro pendant 14 ans. L’écriture a toujours été là, dans mon travail de journaliste radio donc, mais aussi dans mes loisirs de musicien et parolier. Et puis un jour j’ai franchi le pas après avoir couvert un fait-divers qui m’avait choqué. Un homme qui circulait en voiture sur une montagne avait été enseveli par un éboulis. Je me suis mis à la place de celui qui l’avait - peut-être - involontairement mis sur la trajectoire de cette chute de pierre et j’ai imaginé comment on pouvait vivre avec cette idée. Le livre s’appelait Perméables, il est bourré de défauts mais il m’a prouvé que je pouvais me lancer dans la rédaction d’un roman. Quelques années plus tard, j’ai écrit une nouvelle histoire qui est toujours dans un tiroir et puis le hasard de la vie frappant toujours deux fois, j’ai dû quitter le journalisme et me reconvertir dans un métier d’artisanat. L’écriture est alors devenue plus qu’une échappatoire mais une véritable nécessité pour mon équilibre.
Comment est née l’idée de ce roman Le Dernier jour de pluie ?
Romuald Dumas : C’est l’addition de deux envies : d’abord l’envie de confronter des personnes ordinaires à des situations extraordinaires. Comment réagit-on quand on est touché par un drame aussi violent qu’un assassinat ? Il n’y a pas de héros dans cette histoire, juste des gens terriblement humains, avec leurs forces et leurs faiblesses, qui doivent gérer cette situation. L’autre idée c’était de raconter l’enfance de deux frères en parallèle. Et d’entendre leurs deux voix. Ces deux pistes narratives se sont tressées autour de deux autres personnages qui sont arrivés plus tard pour finalement construire ce roman.
On est dans des conditions apocalyptiques, avec une pluie incessante. C’est un élément clef. Vous aviez envie des conditions extrêmes pour quelles raisons ?
Romuald Dumas : La pluie est arrivée assez rapidement. D’abord parce que j’avais besoin d’un élément extérieur qui vienne appuyer la tonalité générale de mes quatre personnages. Ils sont engloutis par cette affaire. Et l’eau qui monte inéluctablement renforce ce sentiment. La ville ruisselle littéralement, exactement comme ce meurtre ruisselle sur Pierre, Yann, Marie-Eve et Philippe. Chacun à sa façon est entièrement inondé par cette histoire. La pluie est aussi un bon prétexte pour que Yann revienne sur place, alors que le crime remonte à plusieurs mois. Enfin, il suffit de vivre, comme moi, dans une région où il pleut beaucoup pour voir à quel point cela impacte le moral des gens. Le premier jour, on se dit "il pleut"... Mais au bout de cinq ou six jours, les gens ne parlent que de ça et toutes les conversations débutent par ces mots "il y en a marre de cette pluie". Cela instaure une morne tension qui pèse sur tout le monde, comme des vêtements mouillés qui sont plus lourds sur nos épaules. C’est la sensation que ressentent mes personnages.
Pour mieux révéler les personnages ? Ces personnages, ils sont au nombre de quatre. Qui sont-ils ? Comment pourriez-vous nous les présenter ?
Romuald Dumas : Oui, le meurtre horrible auquel ils sont confrontés, à ce moment de leurs vies, et cette pluie incessante les poussent dans leurs retranchements. Ils sont "à l’os" si j’ose dire, face à eux même et à leurs parcours respectifs.
Pierre Sanchis est un enquêteur dépassé par les évènements. Il n’a jamais eu à gérer une affaire si importante, il n’est pas à l’aise face aux médias et l’est de moins au moins également face à la famille de la victime. C’est un homme touché dans sa vie personnelle et qui doit - coûte que coûte - faire face.
Yann Després est journaliste pour une chaine d’info en continu. Cet épisode pluvieux est l’occasion pour lui de revenir dans cette ville où il a déjà couvert le meurtre de la joggeuse. Il a soif de reconnaissance et veut utiliser cette affaire comme un tremplin pour sa carrière.
Marie-Ève Grumbach est réceptionniste dans l’hôtel où séjourne Yann. Elle oscille entre l’excitation de côtoyer un homme "qui passe à la télévision" et sa culpabilité lancinante après le meurtre de Cécilia Goven. Elle connaissait la victime et passait beaucoup de temps à la jalouser en scrutant sa vie exposée sur les réseaux sociaux.
Enfin, Philippe, le frère de Pierre, est revenu s’installer dans la région pour accompagner les derniers jours de leur père, très malade. Il est un spectateur silencieux du spectacle qui se déroule autour de lui.
Un mot sur Pierre Sanchis, qui enquête sur la mort d’une jeune femme, et qui est enlisé dans ces recherches. Comment échapper au stéréotype de l’enquêteur un peu désabusé ?
Romuald Dumas : En l’acceptant. Parce qu’effectivement, comment ne pas être désabusé quand on est quotidiennement confronté à la bassesse de l’Homme ? Pierre Sanchis est policier et forcément cela a eu des répercussions sur sa vie personnelle. Et cette vie personnelle a aussi eu des répercussions sur le flic qu’il est devenu au fil des années. Sa vie perso et sa vie pro sont poreuses l’une par rapport à l’autre, alors qu’il devrait bâtir des digues pour protéger l’une de l’autre. Mais qui le peut réellement ? Il n’est plus jeune mais pas encore vieux, il n’est plus dans l’énergie et pas encore dans la sagesse... Et il est perdu. On a tous connu des périodes difficiles, comment fait-on pour tenir quand on doit opérer quelqu’un à cœur ouvert ? Comment fait-on pour conduire un Boeing 747 quand on vient de perdre un parent ? Pierre Sanchis n’est ni chirurgien, ni pilote de ligne mais il se sent "en responsabilités", il s’interdit de flancher alors que tout devrait le pousser à dire "stop".
Ils sont donc au nombre de quatre. Comment avez-vous construit votre roman autour des ces quatre voix ?
Romuald Dumas : Je ne voulais pas écrire un polar au sens strict du terme, avec une enquête, des rebondissements, des suspects, des fausses pistes. Il n’y a qu’un seul meurtre, commis plusieurs semaines auparavant. L’histoire ce n’est pas le crime, l’histoire c’est le crime qui passe au travers de ces personnages. C’est un petit peu cinématographique comme procédé, un peu comme dans le Babel d’Inarritu. Il y a une trame qui se déroule en s’appuyant sur ces personnages qui interagissent mais qui sont traités de manière autonome dans le livre. Mais, que le lecteur se rassure, on finit tout de même par découvrir qui est derrière tout ça !
Les deux frères étaient là dès le début, puis sont arrivés Yann et Marie-Eve, pour apporter d’autres couleurs au récit. Au delà du meurtre autour duquel ils gravitent, tous les quatre ont en commun une enfance particulière, sur laquelle ou contre laquelle ils se sont construits. Cette enfance émaillée de blessures a fait ce qu’ils sont à cet instant de leurs vies et détermine également ce qu’ils aspirent à devenir.
On vous sait ancien journaliste radio et papier, notamment à Sud Ouest. Comment est-ce que votre ancien métier transparait dans l’écriture de vos romans, si les deux d’ailleurs ont un lien...
Romuald Dumas : À la radio, on est dans le domaine de l’immédiat, même si - de plus en plus - la radio se réinvente et prend le temps d’analyser et d’expliquer. La radio que j’ai pratiquée, celle des stations musicales de la bande FM, demandait une écriture succincte, directe et facilement compréhensible. Elle s’adressait principalement à des jeunes qui n’avaient, la plupart du temps, que cette unique exposition à l’actualité. Il fallait donc être concis et un peu didactique.
En presse écrite, on est dans un média du lendemain, on peut donc plus facilement basculer sur la mise en perspective de l’information. Mais le lignage reste calé et on n’est pas vraiment dans les canons du roman. à l’arrivée, je dirai que toutes les écritures, que ce soit un flash radio, un portrait dans le journal ou le texte d’une chanson nourrissent l’écriture d’une histoire. Tout comme toutes les lectures infusent dans les mots qui sortent de votre cerveau.
Quelles sont vos prochaines dates de dédicaces ?
Romuald Dumas : Je serai au Cultura de Bègles à la fin du mois de mai. Entre les deux, une étape est prévue à Agen - qui est un peu le théâtre non-officiel de ce roman puisque j’ai pris quelques libertés topographiques qui m’empêchent de dire que l’histoire se passe véritablement à Agen - mais la date n’est pas encore fixée.
Et quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Romuald Dumas : Je ne travaille pas encore véritablement dessus mais je collecte des idées pour un "thriller sensuel" que j’espère commencer à écrire cet été. Les choses sont en train de se mettre en place dans mon esprit et les pages des carnets de notes se noircissent un peu chaque jour. Il s’agira, si tout se passe bien, d’un roman dans lequel la tension reposera sur le passage à l’acte ou non. L’arme du crime étant le corps, et l’enjeu du crime sera la fidélité. La fidélité à son conjoint bien sûr, mais aussi la fidélité à ses amis et plus largement aux valeurs humaines auxquelles on croit adhérer.