- Auteur : Laurent Whale
Laurent Whale nous raconte pourquoi son nouveau polar est Australie.
Auteur de plusieurs romans dans les littératures de l’imaginaire, Laurent Whale s’est plongé avec succès dans le polar ces dernières années. Après Skeleton coast, son nouveau livre, Le Vol du Boomerang, nous emmène en Australie sur une course de voitures solaires : la Bridgestone World Solar Challenge. Une intrigue, mais aussi un propos...
Bepolar : Qu’est-ce qui t’a donné envie d’aller en Australie lors de la Bridgestone World Solar Challenge pour ton nouveau roman ?
Laurent Whale : Il me fallait un évènement qui soit en rapport avec l’esprit que je recherchais. Une course de véhicules à propulsion solaire m’a paru tout à fait dans le ton. Et puis, quelle initiative intéressante, en ces temps de réchauffement climatique (même si elle n’est pas dénuée d’un certain esprit mercantile).
Bepolar : Ton héros est un jeune aborigène, docteur en physique des particules, et qui se bat pour la reconnaissance de son peuple. Qu’est-ce qui a suscité ton intérêt et comment t’es tu documenté sur eux ?
Laurent Whale : Je suis toujours en recherche d’angles sociaux et/ou écologiques pour aborder un récit. Les Aborigènes sont le symbole-même des peuples en cours d’extinction et d’assimilation (ainsi que de nombreux autres). Une multitude de peuples sont soumis à cet insupportable régime.
Pour la documentation, j’ai contacté des ethnologues et des chercheurs, ayant vécu parmi eux, ainsi que des amis vivant sur place. Certains pendant de longues périodes, afin de constituer mon univers mental. J’ai lu leurs ouvrages et essais, mais également des blogs de voyageurs, des sites spécialisés et visionné des tonnes de documentaires, ainsi que des fictions locales.
Bepolar : Qui est-il ce Jimmy Stonefire ? Comment tu pourrais nous le présenter ?
Laurent Whale : Comme tu l’as dit, c’est un jeune Aborigène qui a connu une enfance ballotée entre deux cultures, au terme de laquelle il a été admis (sur quota) au sein de l’Université technique du Queensland (pays de la reine !). Là, il suit un cursus en physique. Comme souvent, les gens issus de minorités produisent plus d’efforts que la jeunesse dorée et il en sort major. Ce qui ne lui vaut pas que des amitiés. Son histoire familiale est chaotique mais il ne se voit pas vieillir une bouteille à la bouche. Alors, il agit.
Bepolar : Tu nous parles de la cause des indigènes, mais aussi du réchauffement climatique avec de gigantesques incendies. Mais pour Skeleton Coast, tu réfutais le terme de "roman engagé". Est-ce que c’est encore le cas avec ce roman ?
Laurent Whale : Disons que le terme « engagé » suppose pour moi une certaine forme de politisation. Je me tiens soigneusement éloigné de toute récupération possible que je pourrais regretter plus tard. Ce qui ne signifie pas que je le réfute totalement, je suis juste sur le trottoir d’à-côté. De là, je peux donner mon avis, mon sentiment, exprimer ma colère sans devoir rendre des comptes. Depuis toujours, l’expérience a prouvé que la roue ne fait pas que tourner vers l’avant.
Mais c’est un fait que Le vol du boomerang peut paraître plus « engagé » que Skeleton coast, simplement parce que le propos du premier était plus écolo que social (et encore).
Bepolar : Une critique sur le web évoquait des causes qui finalement toutes se recoupent dans l’idée de protéger ce qu’il y a de plus précieux. Est-ce que c’est ton sentiment ?
Laurent Whale : Oui, absolument. Et qu’y-a-t-il de plus précieux que la nature et la diversité des cultures ? Il n’y a qu’à regarder par ici : on nous bassine avec l’exception culturelle française et, dans le même temps, on tente de la museler par tous les moyens en laissant quelques ogres s’en partager tous les canaux.
À force de laisser des intérêts globalisés tirer sur la corde, c’est devenu une cordelette et ça ne tardera plus avant que ce soit une ficelle. Je te laisse deviner la suite. La maison brûle et les pompiers pissent dessus.
Bepolar : Quelles sont tes prochaines dédicaces ?
Laurent Whale : Le 18 février, à la librairie l’Astrolabe de Rennes,
Le 31 mars et le 1er avril, à la médiathèque de Genay (en relation avec Quai du Polar) en compagnie de la talentueuse Gaëlle Perrin Guillet. (Atelier d’écriture + rencontre),
Les 13 et 14 mai, au festival Imajn’ère d’Angers,
Du 15 au 24 mai : résidence d’auteur à Vauvert (Camargue)
Du 25 au 28 mai, aux Imaginales d’Epinal,
21, 22 et 23 juillet au festival Le chien jaune à Concarneau.
Pour l’instant c’est tout, mais une dizaine de dates supplémentaires sont en cours de validation.
Bepolar : Sur quoi travailles-tu ? Quels sont tes projets ?
Laurent Whale : Je viens de terminer un roman qui se déroule en Patagonie (en relecture chez Au Diable Vauvert). Je travaille en parallèle sur plusieurs nouvelles de commande. J’ai fini de rédiger (l’année dernière) un roman situé en Sibérie, mais la suite des tristes évènements d’Ukraine me diront dans quelle mesure je devrai le modifier avant parution. Un polar déjanté bouclé aussi l’année dernière est en relecture chez Argyll. Pour finir, je suis en pleine écriture d’une aventure amazonienne, qui comportera bien des aspects évoqués plus haut.
Musemania 25 avril 2023
Le Vol du Boomerang, le nouveau roman de Laurent Whale
« Le vol du boomerang » est un roman, un peu dystopique qui vous fera voyager sur le seul pays continent, l’Australie et qui – surtout – vous apprendra plein de chose sur les aborigènes.
Porté par la plume très fluide et appréciable de Laurent Whale, ce livre m’a énormément plu pour les caractéristiques reprises ci-dessus. D’abord, pourquoi un roman « un peu » dystopique ? Parce que l’histoire pourrait en soi se dérouler à l’heure actuelle mais, dans le livre, l’Australie est en proie à des méga-feux. Ceux-ci engendrent des paysages de désolation, la mort de faune et de la flore et la migration de quantités d’habitants, laissant tout derrière eux et tentant de refaire leur vie dans d’autres lieux.
Nous nous souvenons tous des terribles incendies qui ont eu lieu fin 2019 – début 2020 durant lesquels des centaines de milliers d’hectares ont été détruits, des milliers de gens déplacés et où les militaires ont été appelés afin de tenter de maintenir l’ordre. Finalement, fiction et réalité ne sont jamais très éloignées…
Ensuite, j’ai beaucoup aimé que le récit prenne place en Australie, hélas, bien trop souvent absente de mes lectures malgré mon attrait certain pour ce continent. A maintes reprises, j’ai eu l’impression d’être moi-même là-bas, immergée dans ces paysages souvent désertiques, accaparée par la chaleur ou le corps fouetté par le sable charrié par les vents.
De plus, Laurent Whale offre par ce roman un très bel hommage aux aborigènes, qui ont été et sont encore trop souvent omis des livres d’histoire mais aussi des livres en général tout simplement.
En plus de s’y initier à cette culture, on ne peut s’empêcher de s’attacher beaucoup au personnage principal de Jimmy Stonefire, génie aborigène pour qui la reconnaissance des siens et par les siens demeure son but premier.
Bref, vous l’aurez compris : ce roman m’a beaucoup touchée. Sorti début février, un peu de façon trop discrète je trouve, il mérite pourtant d’être mis en lumière !