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Loïc Le Borgne : Interview pour Je suis ta nuit !

Bepolar : Pouvez-vous nous raconter les débuts de ce roman ? Comment l’avez-vous imaginé ?
Loïc Le Borgne : J’étais journaliste (je l’ai été durant 17 ans), et durant mes congés je m’amusais à écrire des histoires fantastiques ou de science-fiction qui n’avaient rien à voir avec mes articles. Dans la presse, on est forcément réaliste, il n’est pas bienvenu d’inventer… du moins si on est honnête. J’ai couvert toutes sortes d’affaires, y compris certaines vraiment glauques. On dit que les journalistes aiment les faits divers. Moi, je les détestais, mais j’ai constaté que les lecteurs, eux, se jetaient dessus. J’en parle dans Ghost Love, un roman inédit qui paraîtra en août chez ActuSF – le narrateur est un jeune pigiste. Je me suis inspiré d’un fait divers pour l’histoire de Maël, dans Je suis ta nuit.

Quand je suis tombé sur la légende du Bonhomme Nuit, sorte de Père Fouettard qui permettait aux parents de mettre en garde les enfants turbulents dans la région de Saint-Brieuc, en Bretagne (il s’agit d’une vraie légende, je ne l’ai pas inventée), j’ai su que je tenais le bon fil. Il restait à le dérouler….

Bepolar : On y suit une bande de copains dans la Bretagne des années 80. Pourriez-vous nous parler de Pierre et Maël ?
Loïc Le Borgne : On pourrait dire que Pierre est le garçon sage, réaliste, qui aime l’aventure mais qui n’agit pas sans réfléchir… il peut rappeler l’auteur-narrateur, un peu idéalisé tout de même ! Je n’ai pas été confronté à des situations extrêmes comme lui et je ne sais pas comment j’aurais réagi. Les autres membres de la bande ont vraiment existé, même si j’ai changé les prénoms, et nombre d’anecdotes sont exactes, ou ont une base véridique. Nous étions très libres, nos parents nous laissaient errer à vélo ou à pied un peu partout durant des demi-journées entières sans s’inquiéter, et sans portable bien entendu. Seule précaution : nous étions en bande, on nous avait bien fait comprendre qu’il ne fallait jamais être seul. C’est l’une des clés du roman : les solitaires finissent mal, c’est la vie en communauté qui assure la survie et l’équilibre.

Aujourd’hui, dans notre société « zéro risque » individualiste, bien trouillarde et confinée, cette liberté est difficile à imaginer mais elle était extraordinaire. Le chemin creux avec notre camp secret a vraiment existé. Et, oui, on allait bien chercher du lait à la ferme, même de nuit, ou à la messe en bande le dimanche matin, en imaginant souvent des tours pendables, en crachant depuis les ponts... Ce sont d’excellents souvenirs. Dans la première partie du roman, on peut dire que 80 % de ce qui est relaté est vrai. Si j’ai vraiment vu des cloches dans le ciel un matin de Pâques ? Bien sûr, c’est la magie de l’enfance !

Autant les membres de la bande de gosses sont liés, autant Maël, malgré les apparences, est terriblement isolé. La souffrance l’a enfermé dans un piège. A travers Maël, je voulais parler des enfants qui souffrent seuls, en silence, piégés dans une impasse. C’est d’autant plus d’actualité qu’il a dû y avoir bien des mômes isolés et terrifiés pendant le confinement.

Bepolar : Qu’est-ce qui vous a donné envie de les plonger dans ce thriller
fantastique ? Qu’aviez-vous envie de faire ?

Loïc Le Borgne : Mon premier objectif, c’est toujours de raconter une bonne histoire, pleine de mystères, qui donne envie au lecteur d’aller au bout. J’ai lu beaucoup de Club des cinq, puis de Jules Verne (L’Île mystérieuse, magnifique, toujours cet esprit de bande !), et plus tard de Stephen King. Mais pourquoi inciter le lecteur à aller au bout ? Forcément, il y a quelque chose derrière la trame. L’auteur a un but, quoi qu’il en dise. Ici, je voulais parler de la peur. Du côté obscur et violent du monde, qu’on découvre en quittant l’enfance, comme les héros dans cette histoire. Comment fait-on pour affronter cet effroi ? Et pour certains (comme Maël) l’horreur pure ? On l’affronte ensemble, jamais seul. Quand on le peut. Se taire, c’est ouvrir grand la porte au Bonhomme Nuit. Pierre l’a compris, Maël est coincé...

Bepolar : Pourquoi avoir choisi les années 80 ? Et comprenez-vous la nostalgie
pour ces années là, qu’on retrouve notamment avec Stranger Things ?

Loïc Le Borgne : Honnêtement, j’ai du mal à comprendre. La vie, c’est devant. J’écris des romans fantastiques et de science-fiction, et le passé ne me préoccupe pas vraiment, hormis quand il s’agit d’époques lointaines, d’Histoire, qui peuvent nous aider à comprendre le présent ou le futur proche. Avec mes filles (une ado et une jeune adulte) on a regardé Stranger Things cette année. Elles jugent cette série formidable. Moi, je m’endors. J’ai déjà lu et vu tout cela dès les années 80 et les originaux étaient parfaits.

Mais je comprends cette nostalgie qu’un certain nombre de gens de mon âge, mais aussi de plus jeunes, ressentent. Dans les années 80, il n’y avait pas de Covid, de réchauffement climatique, et la guerre froide, avec les risques de bombardement nucléaire, s’éloignait. Les ordinateurs et les jeux vidéos envahissaient les maisons, c’était fantastique. On se projetait dans le futur, vers les étoiles. Peut-être une sorte d’âge d’or, d’autant qu’on a toujours tendance à oublier le pire. Peu importe, c’est terminé.

Je crois que Je suis ta nuit n’est pas un récit nostalgique mais plutôt historique. D’où les multiples références. Dès que j’ai écrit la première version en 2001, je l’ai voulu ainsi. Je voulais témoigner, avant d’oublier, de ce qu’avait été cette période pour des mômes de 11-12 ans. Je crois que ce roman est plus proche de E.T. ou de Ca que de Strangers Things. Strangers Things, c’est du revival. Je préfère regarder les films novateurs de Christopher Nolan.

Bepolar : Justement, certaines chroniques ont évoqué Ça de Stephen King. Est-ce que ce roman a été une influence ?
Loïc Le Borgne : J’ai adoré ce livre. Mais il ne faut pas oublier que Ça parle avant tout de la fin des années 50 – la période où les héros sont des enfants. Même s’il a été écrit dans les années 80, et si une partie de l’intrigue (quand les héros sont adultes) se déroule à ce moment-là, il est souvent associé à tort à cette époque.
Je suis ta nuit s’en inspire bien sûr. Ce roman se déroule en 1980 mais je l’ai écrit – pour sa toute première version, bien avant sa publication – en 2001 et cela a son importance. J’avais passé la moitié du récit quand il s’est produit un événement majeur : l’attaque du World Trade Center à New York. Les tours jumelles se sont effondrées, j’ai regardé mon fichier sur mon vieux PC et je me suis dit que j’étais beaucoup trop sage. Je suis revenu en arrière et j’ai tué (épouvanté par ma décision) la moitié de mes jeunes héros. J’ai décidé que des monuments allaient s’écrouler dans cette histoire parce que le monde, dur et impitoyable, pouvait basculer en un instant. Les avions dans les tours, et les fous qui se cachaient derrière, n’ont épargné personne.

Le monde était terrible, violent, mais fallait-il se résigner ? Mes héros survivants, des gosses, allaient résister, et nous montrer comment y faire face. Je crois que le roman a été relancé à ce moment-là. J’écoutais The Rising, de Bruce Springsteen, un album triste et lumineux à la fois, consacré au 11 septembre. Dans ce récit, malgré l’horreur, la cohésion, les rêves, l’innocence l’emportent sur le côté obscur.

Bepolar : Comment avez-vous construit votre intrigue ?
Loïc Le Borgne : Je voulais un adversaire ambigu. Un monstre assoiffé de sang ou un tueur en série ? Donc un roman fantastique ou un thriller, genre Silence des agneaux  ? J’ai imaginé l’aspect, le comportement du tueur en m’inspirant de meurtriers comme Jack l’Eventreur pour le look, et de personnages fous, pour la gouaille et l’attitude, comme le Joker de Batman ou Jack Nicholson dans Shining. Je voulais créer un doute dans l’esprit du lecteur, et me différencier en ce sens des romans de Stephen King, dans lesques les explications me paraissent toujours assez claires. Monstre ou serial killer ? Chez lui c’est l’un ou l’autre. Pas dans Je suis ta nuit. Imaginaire et réalité se mêlent. On a des doutes...

Bepolar : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Loïc Le Borgne : J’ai toujours pas mal de projets en route et l’avenir dépend de mes envies, des réponses des uns et des autres... Sur le feu en ce moment, la suite de ma série de romans pour adolescents Les Loups, en septembre.
Le même mois, ActuSF publiera Ghost Love, un roman pour adolescents et adultes inédit. Le thème en est la mort. Il y a beaucoup de fantômes, de morts-vivants. J’ai adoré écrire ce roman fantastique car si les ténèbres y sont pesantes, il y a aussi de la lumière au bout du tunnel. La mort n’est pas forcément la nuit, bien au contraire.

Ensuite ? Pourquoi pas un préquelle à Hystérésis paru en 2014 aux éditions Le Bélial ? Dans ce récit, la civilisation s’effondrait, suite à une série de crises écologiques et économiques. Oui, désolé si ça vous rappelle quelque chose.... Non, je n’ai pas de boule de cristal, mais je projette le présent dans le futur, comme tout auteur de science-fiction. Je ne répondais pas à cette question : comment le monde s’était-il effondré ? Mais à celle-ci : une partie de la population l’avait-il laissé s’effondrer ? Je vais y songer… Mais je ne dois pas trop tarder...

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Pour aller plus loin

  • emy8909 29 août 2021
    Loïc Le Borgne : Interview pour Je suis ta nuit !

    Nous faisons tout d’abord connaissance avec Pierre, qui décide d’écrire ses aventures de jeunesse à son fils, ainsi que leur rencontre avec le bonhomme nuit.

    Vacances d’été, dans les années 80, Pierre et sa bande profite de chaques jours de vacances pour trainé, vivre des aventures, jusqu’au jour où ils découvrent un corps mutilé. Une part de leur enfance et de leur insouciance s’envole ce jour là, jusqu’au moment où ils comprennent que ce n’est que le début d’un enchaînement d’événement les ciblant avant leur rencontre avec le bonhomme nuit.

    Mais au final le bonhomme nuit existe t’il vraiment ? Est ce un souvenir erroné pour cacher une terrible vérité ?

    J’ai aimée l’écriture à la première personne qui donne vraiment l’impression que Pierre nous partage son histoire.

    Il y a malgré tout quelques passages un peu long, qui traine et qui rende le moment interminable.

    J’ai adoré les souvenirs des années 80, où les gamins jouaient encore dehors, faisait du vélo, et surtout se servait de leur imaginations pour vivre des aventures incroyables.

    Au final je n’ai pas réussi à comprendre pourquoi Pierre décide d’écrire tout ceci à son fils, sous l’emprise de l’anxiété de ne pas avoir terminé avant le lever du jour.

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