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L’interrogatoire de Sandrine Lucchini pour "Charlotte Chérie"

Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman ?
Sandrine Lucchini : Il y a trois ans, mon attention s’est portée sur un article canadien qui traitait des masculinistes, un sujet qui entrait dans mon champ de recherches en psychopathologie sur les différentes formes de radicalisations. Les faits relatés et ma perpétuelle envie d’enquête, tirée de mes expériences en tant que journaliste d’investigation, ont fait le reste. Intuitivement, j’ai vu de quelle manière cette thématique pouvait nourrir un « bon polar ».

Bepolar :Un crime est commis et les masculinistes sont les premiers suspects. Qu’est-ce qui vous intéressait dans ce mouvement ?
Sandrine Lucchini : Mes romans sont des fictions, mais ils proposent aussi une lecture du social. Un social qui peut être délirant, voire meurtrier. Et ces groupuscules existent vraiment, d’abord dans le monde anglosaxon, et progressivement chez nous.
Ils s’opposent au féminisme et défendent la domination des hommes sur les femmes. Selon eux, la masculinité, revendiquée comme une identité, est aujourd’hui menacée, et il faut la protéger coûte que coûte. Ils deviennent concrètement dangereux lorsque ces discours font idéologie. En se répandant, ils finissent par normaliser les idées, et leur champ d’expression s’inscrit essentiellement sur le net. C’est sur la « Manosphère » que les esprits s’échauffent. Une nébuleuse opaque, composée de plusieurs sous-cultures masculinistes. Des mouvements opportunistes qui surfent sur une ambiance sociale et abusent des facilités de leur temps, principalement des réseaux sociaux qui sont de puissants vecteurs de diffusion. D’ailleurs, des réseaux plutôt « a-sociaux » de plus en plus tentaculaires, et surtout ciblés puisque la haine agit comme une logique d’exclusion pour, de façon contre intuitive, créer et renforcer du lien social, à l’unique profit de ses membres, bien évidemment. Chaque masculiniste peut ainsi y affirmer « sa virilité virtuelle », mais en avançant masqué. L’anonymat les affranchit de toutes limites et on ne peut que déplorer le nombre croissant d’appels au viol ou au meurtre. Pour exemple, en 2022 le CCDH (Center for Countering Digital Hate), un observatoire de la haine en ligne aux Etats-Unis, a ainsi recensé pas moins de 1 million de messages postés sur l’un des forums les plus populaires. Le mot « kill » apparaît toutes les 37 minutes et le mot « rape », toutes les 29 minutes.

Mon livre fait référence à la branche la plus active et la plus violente des Incels - les célibataires involontaires - ceux qui rendent les femmes responsables de leur célibat, qui considèrent que les rapports sexuels sont un dû que les femmes leur refuseraient. Toujours selon le CCDH, les Incels sont plus dangereux et plus radicaux qu’ils ne l’ont jamais été.

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Bepolar :Comment vous êtes-vous documenté ?
Sandrine Lucchini : Pour écrire « Charlotte Chérie », j’ai d’abord mis ma casquette de journaliste en investiguant tous azimuts et aussi en me créant une fausse identité sur internet. Celle d’un jeune homme de 18 ans qui correspond à leur profil. A savoir célibataire, plutôt isolé, en recherche de lien, mal dans sa peau, inhibé, en colère de ne pas être compris, reconnu, etc. Cela m’a permis d’échanger, de discuter avec certains membres de la communauté et de me confronter à leur discours.

Cette thématique a aussi été l’objet de mon travail de recherche en Master 2 de psychanalyse à l’Université Paul Valéry à Montpellier dans lequel je livre une lecture psychanalytique pour mieux cerner leur mécanique psychologique.
Tout ce travail, je l’ai aussi mené dans la perspective d’écrire « Charlotte chérie » parce que, ce que j’aime le plus, est d’imaginer et raconter des histoires. Ce roman est un récit immersif, où nous suivons le groupe Lebon de la Crim’ du Bastion qui traque un groupuscule masculiniste. Là encore, je me suis appuyé sur mon expérience terrain et les situations vécues lors de mes reportages, mais j’ai également effectué un repérage à la fameuse Crim’ où j’ai eu la chance d’être accueillie. Ne connaissant pas les nouveaux locaux de la PJ parisienne, ça m’importait beaucoup d’y passer un peu de temps pour flairer une ambiance afin de donner plus de chair au récit.

Bepolar :On y suit le capitaine Hippolyte Lebon et la jeune brigadière Alice Lecoeur. Qui sont-ils ? Comment pourriez-vous nous les présenter ?
Sandrine Lucchini : Hippolyte Lebon figure déjà dans mon premier roman « Tarot Sanglant » mais dans « Charlotte Chérie », il s’est « massifié ». Il a certes gagné en assurance mais il reste un personnage avec toutes ses contradictions. C’est ce qui le rend humain mais ce n’est pas un écorché vif, au sens où il n’est pas autodestructeur. Ce n’est donc pas un capitaine de police alcoolique ou colérique…, mais plutôt le « pré-quadra » célibataire qui a du mal à se fixer d’où son surnom « joli cœur », addict à son travail qu’il veut faire bien. Animé par des valeurs de loyauté, de justice, d’équité et d’humanité, c’est à la fois un « chasseur » et un « combattant ».

Alice Lecoeur, c’est un peu son pendant au féminin mais avec quelques années en moins donc elle est davantage « chien fou » et n’en fait qu’à sa tête quand elle est persuadée d’avoir raison, ce qui lui vaut le surnom de « Idefix ». Ce métier elle l’a choisi par rapport à son père, lui-même policier et mort en service quand elle était gosse. C’est sa faille, la blessure avec laquelle elle vit et qui fait ce qu’elle est aujourd’hui.

Bepolar :J’ai vu sur internet que des lecteurs et lectrices aimeraient les revoir. Est-ce qu’on peut s’attendre à d’autres enquêtes ?
Sandrine Lucchini : C’est prévu et déjà en cours d’écriture… Dans le prochain roman, nous retrouverons le groupe Lebon de la Crim’.

Bepolar :C’est un roman dans lequel vous donnez la parole à la victime, mais aussi aux suspects et au Dr Martin Muller, psycho-criminologue. Comment avez-vous construit et orchestré votre roman ?
Sandrine Lucchini : En réalité « Charlotte Chérie » n’est pas « chérie » du tout. Elle est une des victimes de ce groupe de masculinistes et elle est en mauvaise posture tout du long du récit. Ce qui m’a intéressé, c’était de pointer ses ressorts psychologiques et les ressources qu’elle va puiser en elle pour y faire face.

Quant aux suspects, et pour certains les « méchants », j’ai utilisé mes recherches pour apporter un éclairage sur ce qui les anime. Quelles sont leurs motivations personnelles et quels sont les mécanismes qui les ont accrochés à ce type de discours. Le psycho-criminologue est là pour orienter et guider le lecteur de manière à lui apporter une perception qui colle au plus près de certains cas réels.

Bepolar :Vous êtes aussi journaliste, scénariste et diplômée en psychopathologie. Comment tous ces métiers influencent votre travail d’autrice ?
Sandrine Lucchini : Ce qui fait lien entre ces trois « casquettes » est mon appétence pour le social et l’humain. Le fait humain dans ses extrêmes, ses causalités et les moyens et raisons de ses mises en œuvre. Cette curiosité humaine nourrit mon imagination et mon travail d’autrice consiste à traduire tout ça sous forme de fiction.

Bepolar :Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Sandrine Lucchini : Aujourd’hui, je suis dans l’écriture du nouvel opus, qui traite d’une autre problématique sociale mais il est trop tôt pour en parler. Nous y retrouvons le groupe Lebon, et l’histoire est aussi conçue pour entrer davantage dans la problématique personnelle d’Hyppolite. Des découvertes supplémentaires, en marge des découvertes de l’enquête … 

Bepolar :Qu’est-ce qui fait un bon polar ?
Sandrine Lucchini : C’est vraiment à chacun de le dire. Je suis également une lectrice passionnée, et pour moi, ce sont d’abord les personnages qui donnent de la chair au roman. Evidemment, l’intrigue qui doit m’embarquer dans un univers « extra-ordinaire », aux frontières de ce que je connais, pour explorer et découvrir. Les émotions sont essentielles, elles font ressentir et donnent du vécu à la lecture. Tous ces ingrédients devant être bien dosés, dans un récit aussi intriguant que tendu. Et bien sûr, il y a l’écriture, qui lie harmonieusement tous ces ingrédients. J’ai l’impression de parler cuisine ! Toutefois, un roman, ça se déguste non ? 

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