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Alfred Hitchcock - LA MORT AUX TROUSSES (1959)

Prêt pour un tour de grand huit entre New York et les hauteurs du Mont Rushmore ? « La Mort aux trousses », c’est un peu l’essence du film d’action. Ou comment raconter une course-poursuite se terminant par un coït en wagon-lit. L’humour et le savoir-faire d’Hitchcock dans toute sa splendeur.

Le pitch

Roger Thornhill, publiciste affable et arrogant, est par hasard pris pour un espion du nom de George Kaplan. Dans la peau malgré lui de l’agent secret, il se retrouve avec une mystérieuse organisation et la police à ses trousses. Débute une course-poursuite à travers les États-Unis, au fil de laquelle il tente de comprendre la vérité. Il rencontre bientôt, dans un train pour Chicago où il s’est réfugié, une femme envoûtante nommée Eve Kendall.

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Pourquoi c’est un incontournable

Simplement parce que « La Mort aux trousses  » représente l’archétype du film d’action moderne, avec son scénario diablement bien ficelé, ses mouvements incessants, son héros charismatique, sa muse énigmatique et ses multiples rebondissements.

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En la matière, la saga des James Bond tentera d’innombrables fois d’en réitérer la magie, quoique sans jamais en effleurer vraiment la profondeur ni l’humour. À noter que cette essence du thriller moderne, entre le rire et la mort au bout du couloir à chaque plan, sera de mise dans de nombreux films avec Bruce Willis (saga des « Die Hard ») ou Harrison Ford (« Indiana Jones »).

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Parce que Cary Grant et Eva Marie Saint.

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Célébrons également les innombrables trouvailles de mise en scènes du film. La séquence du désert (une scène muette sidérante de 7 minutes !), avec l’avion à raz de champs survenant à contretemps, passe pour un modèle du genre.

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Ici, rien ne fait avancer l’action (ni l’avion, ni le désert), car tout vaut pour la mise en scène et le spectacle. À rebours des stéréotypes, Hitchcock oppose à la nuit aux rues étroites traditionnelles d’une grande ville quelconque l’immensité des grands espaces en plein jour. Juste avant, difficile de ne pas applaudir aussi le plan opposant Roger (Cary Grant) au paysan de part et d’autre de la route : c’est comme un duel de western qui ne dit pas son nom.

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De même, on ne peut évidemment pas passer – même si tout dans « La Mort aux trousses » tient du génie – à côté de la scène du Mont Rushmore, point d’orgue à rapprocher de la scène de la Statue de la Liberté dans « Cinquième Colonne ».

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La Hitchcock’ touch

L’humour d’Alfred apparaît ici à tous les niveaux, comme lorsqu’une Škoda (pour raviver le fantôme de la guerre froide) se met à filer le taxi de Thornhill dans le prologue. Ou quand le scénario multiplie les fausses morts : le coup du chapeau à la main devant la cabine en prévision du cadavre de Thornhill ; Leonard avachi dans un fauteuil comme dans un cercueil.

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On sourit enfin au symbole du train phallique au bout rouge, qui vient s’enfoncer dans le tunnel, pour allégoriser la nuit de noce.

Côté caméo, Hitchcock apparaît cette fois à la deuxième minute tentant d’attraper un bus à New York, qui lui ferme la porte au nez.

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L’analyse

« La Mort aux trousses  », c’est un peu la synthèse de la carrière américaine d’Hitchcock (tout comme « Les 39 Marches » représentait le résumé de la période britannique).

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Il ne fait aucun doute qu’Alfred Hitchcock, après le semi-échec commercial de « Vertigo  » et son récit tragique, cherche une forme de rédemption avec « La Mort aux trousses  ». Résultat, l’amour possible et le succès sont cette fois au rendez-vous, et en cela le long-métrage se veut une suite libératrice. De fait, Roger Thornhill et Eve Kendall (Eva Marie Saint) forment un couple non plus maudit mais qui peut atteindre le bonheur. Seul écueil à surmonter : réussir à pardonner les trahisons.

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Deux fondus-enchainés cultissimes (très graphiques et très peaufinés par Hitchcock) permettent d’illustrer cette discordance entre amour et déloyauté. Celui d’abord qui voit le visage de la jeune femme disparaître petit à petit, absorbé par l’étendue du désert et son avion tueur – cela fait suite à une scène où elle vient en quelque sorte d’envoyer Thornhill à sa perte. Puis plus tard son exacte réplique rédemptrice avec cette fois le visage de Roger disparaissant au profit du Mont Rushmore, lorsque le personnage comprend pourquoi Eve a dû agir de la sorte. Or, le protagoniste la sauve précisément ensuite sur la falaise du Mont Rushmore. Et au bout du compte, c’est l’amour qui triomphe – sans compter une sexualité assumée : le motif du train et du tunnel.

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Notons par ailleurs que le personnage d’Eve Kendall incarné par Eva Marie Saint s’avère l’un des protagonistes féminins les plus fascinants et équivoques de la carrière du metteur en scène. Moderne et libre avec ses désirs, Eve ne s’offre aucunement à Roger pour conforter l’idée d’une femme-objet. Il s’agit au contraire d’un électron libre dont les sentiments et l’émotion – toujours changeants comme pris entre deux cimes – sont plus que crédibles.

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Ses multiples jeux de mots, ses regards entendus à double-sens dans le train… font d’elle un personnage à part qui, en filigrane, renvoie la domination masculine de Roger aux oubliettes. C’est toujours elle qui mène la danse – on est loin des femmes fatales sous l’emprise d’un James Bond.

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À propos de Roger Thornhill, remarquons que le double Kaplan s’avère indispensable à sa mutation. Car c’est en s’imprégnant de l’identité de cet homme invisible que le protagoniste peut en définitive sortir de son quotidien plan-plan, trouver l’amour et l’aventure.

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La genèse

Le récit prend pour modèle une histoire authentique : celle dite de l’affaire « Galindez », professeur victime d’un enlèvement à New York.

C’était la première fois qu’Alfred Hitchock travaillait avec la Metro Goldwyn Meyer (MGM). Or, le réalisateur fut contraint de hausser le ton contre la maison de production au moment du montage, notamment pour conserver un épisode essentiel (la scène dans les bois, superbe, qui suit la tentative de meurtre dans la cafétéria) situé à la fin du film.

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